Faire progresser l’économie circulaire n’est pas seulement un effort mondial — cela doit aussi se produire au niveau local. Si les villes peuvent mobiliser les parties prenantes à l’intérieur de leurs limites pour adopter des approches circulaires, l’impact qu’elles pourront réaliser ensemble sera sans limite. Une ville en particulier montre la voie à suivre au Canada.
Nous avons discuté avec Marie-Andrée Mauger, membre du Comité exécutif de la Ville de Montréal, de la manière dont la Ville collabore avec les entreprises et des partenariats stratégiques pour réduire son empreinte écologique et renforcer son développement économique.
Quel rôle la Ville de Montréal joue-t-elle dans la promotion de l’innovation et le soutien à la transition vers une économie circulaire à l’échelle locale ?
Avec des objectifs ambitieux comme devenir une ville zéro déchet d’ici 2030 et carboneutre d’ici 2050, Montréal ne se contente pas de suivre le mouvement, elle en est une force motrice.
En coordonnant la mise en œuvre de la Feuille de route montréalaise en économie circulaire, le Service du développement économique (SDÉ) s’assure que l’écosystème d’affaires soit le moteur de la transformation.
Grâce à une collaboration étroite avec les entreprises locales et au développement de partenariats stratégiques avec des acteurs clés comme PME Montréal ou Fondaction et en mettant à profit les leviers à sa disposition, la Ville de Montréal pose les bases pour propulser les entreprises et organisations locales vers un modèle économique circulaire.
Mais ce n’est pas tout. Tous les leviers municipaux sont mis à profit par les unités d’affaires de la Ville, qui sont mobilisées dans cette transition. Ensemble, les unités d’affaires mettent en place des politiques incitatives, des infrastructures adaptées, des initiatives de sensibilisation et prêchent par l’exemple pour faire de Montréal une leader incontestée de l’économie circulaire.
En créant un environnement propice à l’innovation durable, que ce soit par le soutien à des projets pilotes ou par son approvisionnement responsable, Montréal s’assure non seulement de réduire ses empreintes carbone et matérielle, mais aussi de renforcer son développement économique.
Montréal ne se contente pas de rêver d’un avenir durable, elle le construit activement, inspirant d’autres villes à suivre son exemple.
Quelles politiques et réglementations la Ville de Montréal a-t-elle mises en place pour encourager la réduction des déchets dans les différents secteurs et l’utilisation de matériaux plus durables ?
L’approvisionnement et la modulation du cadre réglementaire sont d’importants leviers dont dispose la Ville pour développer une économie locale circulaire et sobre en carbone. Bien que sa marge de manœuvre soit parfois limitée par la Loi sur les cités et villes, en tant que grand donneur d’ordre, avec plus de 3 milliards de dollars de biens et services achetés annuellement, Montréal utilise son pouvoir d’achat pour influencer le marché.
Cette approche est soutenue par sa nouvelle Politique d’approvisionnement responsable, qui encourage des produits ou prestations respectant des critères de durabilité et de circularité, et qui vise de manière sous-jacente à influencer ses fournisseurs à devenir plus responsables et à réduire leur empreinte écologique.
Dans le cadre du plan d’action de la Feuille de route montréalaise en économie circulaire, la Ville favorise la circularité dans des catégories d’achat clés comme les infrastructures, les textiles, le mobilier de bureau et la logistique.
Pour accélérer la transition, la Ville souhaite aussi adopter et modifier des règlements visant à optimiser la gestion des ressources et réduire à la source. Les efforts se concentreront dans les prochaines années sur la réduction du gaspillage alimentaire, la diminution des articles en plastique à usage unique et la gestion des résidus de construction, de rénovation et de démolition.
En lien avec le Plan d’urbanisme et de mobilité 2050, la réglementation dans les secteurs industriels sera également adaptée pour favoriser des aménagements durables et la transition vers une économie verte.
En 2023, le Règlement interdisant le plastique à usage unique dans les commerces alimentaires et restaurants a été adopté. Après un an et demi, 90 % des établissements inspectés utilisaient des contenants réutilisables, recyclables ou encore compostables, contribuant directement à la réduction des déchets à la source dans la métropole.
De plus, le Règlement adopté en 2022 visant la réduction des impacts environnementaux associés à la distribution d’articles publicitaires a permis de diminuer de 40 % les imprimés reçus dans les centres de tri montréalais et l’élimination complète des plastiques d’emballage utilisés pour leur distribution.
La mise en place de ce Règlement à Montréal et la volonté d’autres villes québécoises de modifier leur réglementation ont entraîné un changement majeur du modèle papier de Publisac.
Comment la Ville de Montréal suit-elle les progrès et mesure-t-elle l’impact de ses politiques en matière d’économie circulaire ?
L’économie circulaire étant un concept relativement récent, les connaissances pour la mesurer sont encore en développement. En tant que grande métropole, Montréal souhaite contribuer à cet avancement des connaissances, en devenant l’une des premières villes canadiennes à avoir officiellement adopté une Feuille de route en économie circulaire.
Ce leadership se manifeste également au plan international : Montréal est la 2e ville au monde à s’être doté d’un indice de circularité, un outil important pour évaluer et guider ses efforts.
En collaboration avec l’organisme néerlandais Circle Economy, la Ville a élaboré en mai 2024 le Rapport sur l’écart de circularité de Montréal afin d’évaluer objectivement la situation de départ et de déterminer le chemin à parcourir à travers la Feuille de route. Ce rapport a révélé que seulement 3 % des 58 millions de tonnes de ressources consommées annuellement sont réintroduites dans l’économie par le recyclage ou d’autres stratégies.
Montréal vise à doubler cet indice de circularité d’ici 2030 et à atteindre 17 % d’ici 2050. Le rapport propose cinq scénarios pour réduire l’empreinte matérielle de Montréal de 38 % ainsi que son empreinte carbone de 46 %. Ces données seront mises à jour en 2030 pour évaluer les impacts de la transition circulaire.
La Ville a commencé à développer d’autres indicateurs pour mesurer l’intégration de la circularité au sein de son économie. Par exemple, le nombre d’emplois montréalais qui contribuent directement ou indirectement à l’économie circulaire qui s’élève aujourd’hui à 7,6%. L’objectif est d’identifier les secteurs à fort potentiel de croissance pour stimuler l’économie circulaire et tirer parti de la main-d’œuvre locale.
Pour s’assurer d’avancer dans la bonne direction et de bien mesurer les impacts des actions de la Feuille de route, Montréal entend développer de nouveaux indicateurs et mettre en place un cadre d’évaluation ainsi qu’une structure de gouvernance rigoureuse.
Comment la nouvelle feuille de route de l’économie circulaire de Montréal favorise-t-elle la collaboration entre les acteurs publics, privés et communautaires pour faire progresser les pratiques d’économie circulaire ?
La Feuille de route montréalaise en économie circulaire est un bel exemple de collaboration. Elle repose sur un réseau de partenaires et d’entreprises de toutes tailles, tous mobilisés pour avancer ensemble vers la circularité. La vaste consultation publique qui a précédé son adoption a permis de fédérer l’écosystème d’affaires autour d’une vision concertée, assurant ainsi une large adhésion et un engagement collectif.
Avec sa Feuille de route, la Ville souhaite créer des boucles de circularité en réunissant les parties prenantes publiques et privées autour d’une vision commune et en mettant en place les conditions nécessaires à son opérationnalisation. La mobilisation de l’écosystème d’affaires et des partenariats stratégiques est essentielle pour amplifier l’impact de cette initiative.
La Feuille de route invite également à collaborer avec les autres paliers gouvernementaux et entités publiques pour assurer la cohérence et la complémentarité des actions, maximisant ainsi les synergies et multipliant les impacts positifs. Cela permet de saisir les opportunités pour accélérer la circularité dans les secteurs clés.
La collaboration avec l’ensemble des parties prenantes, y compris les entreprises, la recherche, la finance, l’économie sociale et autres membres de l’écosystème d’affaires, est au cœur de la stratégie montréalaise pour accélérer le déploiement de l’économie circulaire.
Un exemple concret de cette innovation collaborative est la création du Fonds Économie circulaire, un partenariat entre Fondaction, un fonds d’investissement privé, RECYC-QUÉBEC, une société d’état, et la Ville de Montréal. Ce fonds finance et accompagne des entreprises innovantes au Québec, optimisant l’utilisation des ressources et réduisant les émissions de GES.
En somme, la euille de route de Montréal met en avant la nécessité de travailler ensemble, de mutualiser les ressources limitées et de collaborer étroitement pour réussir la transition vers une économie circulaire. Chacun a un rôle à jouer, et c’est en unissant nos forces que nous pourrons atteindre nos objectifs communs.
Pouvez-vous partager quelques-unes des politiques ou initiatives clés décrites dans la feuille de route de l’économie circulaire de Montréal qui, selon vous, auront l’impact le plus significatif à long terme ?
Pour doubler l’indice de circularité de Montréal de 3 à 6 % d’ici 2030, l’action municipale est primordiale afin de structurer durablement les chaînes de valeur circulaires dans des secteurs comme la construction, les textiles et le bioalimentaire. Parmi les mesures clés, l’adoption de règlements pour favoriser la déconstruction plutôt que la démolition et l’intégration de la circularité dans les clauses d’approvisionnement public sont essentielles.
Par exemple, dès l’évaluation des besoins d’achat, la Ville de Montréal mettra en place des formations et des mécanismes pour promouvoir l’écoconception, les solutions de rééemploi, les articles en matières recyclées et les modèles d’approvisionnement basés sur l’économie de fonctionnalité.
Des mesures de soutien aux entreprises sont aussi prévues. Montréal entend notamment mettre en place des programmes finançant, par exemple, des diagnostics circulaires ou encore l’innovation circulaire pour les entreprises émergentes. Outre le soutien financier, l’accompagnement des entreprises est une condition essentielle à la transformation de l’économie. La Ville prévoit ainsi soutenir différentes initiatives en ce sens dont la symbiose industrielle « Synergie Montréal », qui aide les entreprises à optimiser l’utilisation de leurs ressources et à redéfinir leurs modèles d’affaires.
En quelque dix ans, Synergie Montréal a accompagné près de 2 300 entreprises et en a sensibilisé plus de 4 200. Ce sont des initiatives comme celle-là qui permettront d’accélérer la transition des 64 000 établissements d’affaires montréalais d’un modèle d’affaires linéaire à un modèle circulaire. Et ce n’est que le début !
Quels sont les principaux défis pour mettre en place l’économie circulaire à Montréal ?
La transition vers une économie circulaire implique une transformation profonde de l’ensemble du modèle économique. Pour atteindre la circularité sur son territoire, Montréal ne peut y parvenir seule, son économie dépend notamment des chaînes de valeur et d’approvisionnement mondiales.
Elle doit également compter sur la collaboration des autres paliers gouvernementaux et de l’ensemble de l’écosystème pour réussir cette transition. Le principal défi pour Montréal est d’utiliser ses compétences pour accélérer le déploiement de l’économie circulaire, tout en mobilisant l’ensemble de l’écosystème. Il est crucial de maintenir et d’augmenter la compétitivité des entreprises et de l’économie locale.
Montréal ne pourra progresser vers une économie circulaire et durable qu’en adoptant une approche collaborative et en tirant parti de ses atouts.
En regardant vers l’avenir, quels sont vos espoirs pour l’économie circulaire au Canada au cours de la prochaine décennie, et comment la Ville de Montréal envisage-t-elle de contribuer à cette vision ?
Le Canada possède tous les atouts pour mener la transition circulaire en Amérique et devenir un acteur mondial de premier plan. Nous pouvons renverser la tendance actuelle et intégrer la circularité dans nos modèles économiques.
Les pays ont un rôle crucial à jouer en assurant la durabilité des processus de production et de consommation. C’est pourquoi la Ville de Montréal collabore avec le gouvernement fédéral dans le cadre de diverses consultations. La France en est un bel exemple, faisant preuve de leadership avec l’adoption de sa loi anti-gaspillage pour une économie circulaire, qui a impulsé une transformation économique significative.
La Ville de Montréal entend également exercer ce leadership en accompagnant son écosystème d’affaires dans la transition vers des modèles plus circulaires et en encourageant sa population à adopter de nouveaux comportements de consommation.
L’accueil du deuxième Sommet canadien de l’économie circulaire s’inscrit dans cette volonté de sensibilisation de l’écosystème. En tant que palier gouvernemental le plus proche du terrain et l’une des grandes métropoles du Canada, Montréal a le devoir de tracer la voie et d’être exemplaire. Elle s’engage donc à continuer d’innover et à être une pionnière dans l’avancement de la circularité au Canada. La Ville entend faire sa part en doublant son indice de circularité d’ici 2030 et le portant à 17 % d’ici 2050, tout en réduisant les empreintes matérielle et carbone.
This story was featured in the Circular Economy Magazine: